‘Autorisations’ est un mot qui énerve de nombreux entrepreneurs de jardin. Tôt ou tard, tout le monde devra y faire face, tant sur le plan professionnel que privé. Elles sont également le défi récurrent de l’architecte paysagiste Jeamie Hendrickx dans nombre de ses projets.
GreenTechPower: ‘Comment vous êtes-vous retrouvé dans le secteur de l’entreprise de jardin?’
Jeamie Hendricks: ‘Après l’école primaire, la question classique s’est posée: qu’aimez-vous faire? Enfant, j’étais déjà occupé dans le jardin avec des boutures de buis et la création de choses et j’étais très fasciné par la faune et la flore. Cela m’a finalement conduit à l’école d’horticulture. Avec ma dyslexie, ce n’était pas toujours facile, surtout à cause des nombreux noms de plantes latines, mais je n’en ai jamais fait un gros problème. J’ai toujours eu l’attitude suivante: si tu fais un effort, ça va marcher. Je ne connaissais pas le métier d’architecte de jardin à l’époque. Mais j’ai vite découvert que l’on pouvait soit travailler avec ses mains, soit concevoir et dessiner de manière créative. Après trois ans d’études, j’ai fait un stage chez ‘Firma Wirt et firma Landscaping’, ce dont j’étais vraiment fier, car on y apprend tout du maître lui-même.’
‘Je devais présenter mon travail de fin d’études en 15 minutes. Puis on m’a dit qu’ils achèteraient mon design. Ce n’était peut-être pas le plan le plus innovant ou futuriste, mais il était convaincant. A ce moment-là, j’ai réalisé que les gens comprennent l’histoire que je veux raconter. Les couleurs, les tons méridionaux, la plantation, la durabilité et surtout la gaieté et que ce soient les éléments avec lesquels je veux faire la
différence. Depuis ce jour, le déclic est là. J’ai tout de suite commencé en tant qu’indépendant à titre principal, avec la taille de haies et une approche d’essais et d’erreurs. Vous grandissez grâce aux opportunités que vous avez et à la confiance des gens qui vous entourent pour avoir le droit de faire des erreurs.’
‘En 2021, j’ai participé à un concours de jardins de ville, que j’ai finalement remporté, une merveilleuse récompense pour tout le travail acharné. Après, les choses sont allées vite: plus d’attention, plus de demandes, parfois plus vite que ce que je pouvais gérer. Avant, je faisais tout cela moi-même, avec ma propre équipe pour l’aménagement. Mais honnêtement? Personne n’est obligé de travailler 17 heures par jour. A un moment donné, vous devez faire des choix pour continuer à mettre votre énergie dans ce que vous faites vraiment bien.’
‘C’est à ce moment-là que j’ai décidé de me concentrer sur ma force: raconter une histoire aux gens. Avec leur contribution, je conçois maintenant des jardins de rêve qui sont réalisés à l’extérieur. Aujourd’hui, je travaille avec une équipe permanente d’entrepreneurs répartis dans toute la Belgique, qui réalisent mes conceptions dans les moindres détails. Cela fait maintenant deux ans que nous le faisons. Je supervise chaque projet de A à Z, afin que le design soit visuellement et techniquement correct, et qu’il n’y ait pas de surprises par la suite. Tout est question de coopération, de confiance et de bonne finition.’
Nous devons concéder quelque chose aux autres, et en travaillant ensemble, nous finirons par réaliser bien davantage’
Le triangle
Jeamie: ‘L’élaboration d’un plan correct demande du temps, de la patience et le souci du détail, ce qui est souvent sous-estimé. La demande des permis correspondants, par exemple, prend beaucoup de temps. Dans le même temps, la durabilité et la finition posent de nouveaux défis au processus de conception. Les clients doivent non seulement savoir à quoi s’attendre visuellement, mais aussi où ils en sont en termes de budget à court et à long terme. L’aménagement d’un jardin est une chose, mais l’entretien détermine en fin de compte la durée réelle de la conception. Un jardin doit durer des années, pas seulement les deux premières. Parce que même un design solide peut perdre son histoire en raison d’un entretien inadapté.’
Imposer son cachet
Jeamie: ‘Chaque architecte de jardin a son propre style. Ma couleur de base est l’orange, avec une touche méditerranéenne, une combinaison que vous voyez toujours dans mes créations. J’ai vraiment appris à mes clients belges à adopter ces couleurs (rires). Après tout, vous convainquez les Belges avec ce qu’ils voient, pas avec des mots. Les jardins de ville sont également un beau défi pour moi, ce que peu d’architectes paysagistes aiment faire en raison de l’espace limité. Les gens investissent de plus en plus dans leur bien-être et leur cadre de vie. Ils ne s’enfuient pas, mais créent quelque chose de beau sous leurs pieds. De plus, j’attache une grande importance à la diversité dans la plantation, ce qui est désespérément nécessaire, notamment avec les enjeux climatiques. Nous devons suivre le rythme de ces changements et continuer à examiner de près les nouvelles idées et les nouvelles opportunités. Ceux qui s’accrochent au passé peuvent passer à côté de l’innovation qui nous attend.’
S’engager
Jeamie: ‘En plus de mon travail, je fais également partie du jury du concours: ‘l’entrepreneur de jardin flamand’. Un concours pour les entrepreneurs de jardin et les paysagistes jeunes et expérimentés. Ce concours est basé sur la connaissance, la technologie et la créativité et c’est pourquoi je suis si heureux d’y participer.’
Veiller à la qualité
Jeamie: ‘Il y a un besoin de plus de contrôle de la qualité dans notre secteur. En tant qu’architecte paysagiste, vous avez beaucoup de responsabilités, mais la profession elle-même n’est pas protégée. Tout le monde devrait pouvoir faire ce qu’il sait faire: concevoir, mettre en œuvre ou demander des permis, mais en connaissance de cause et dans le respect des règles. La législation évolue rapidement et n’est souvent pas claire. Les clients en sont donc souvent les victimes, surtout s’ils sont mal informés. La transparence sur les coûts et les procédures est cruciale.’ ‘Malheureusement, il y a encore des entrepreneurs qui travaillent en dessous du prix. A long terme, cela conduira à des faillites et à une image erronée parmi les clients sur ce que coûte réellement un jardin. Les médias sociaux et les programmes télévisés renforcent cela. Nous devons conclure des accords clairs, partager nos connaissances et nous renforcer mutuellement, afin que les plans techniques soient corrects, que les règles soient respectées par tout le monde et que tout le monde sache ce qu’il en est.’
Les permis et la législation
Jeamie: ‘Cela reste une matière complexe. Les gens aspirent à une structure et à une communication claire, mais chaque fois que de nouvelles règles apparaissent, il devient difficile de tout faire correctement. Pour les maisons, il est souvent clair ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas, mais pour les jardins, c’est une recherche constante de ce qui est possible. Un jour, quelque chose est permis, le lendemain ce ne l’est plus. Cela entraîne beaucoup de pertes de temps et de retards dans les projets en cours. Des problèmes se posent souvent, notamment avec le pavage: quel pourcentage de votre jardin peut être pavé? Et le matériau est-il toujours perméable, ou parfois soudainement non? Cela entraîne des frustrations et des incertitudes.’
Nos frontières (linguistiques)
Jeamie: ‘Il y a une différence remarquablement grande entre les régions en matière de règles et de permis. Ce qui est autorisé en Wallonie ne l’est souvent pas juste de l’autre côté de la frontière en Flandre. Cela vous fait réfléchir. Pour les professionnels, cela signifie une recherche constante, car la réglementation est parfois complètement quelques kilomètres plus loin.’
Les associations
Jeamie: ‘Une association forte et bien organisée est indispensable dans notre secteur. Malheureusement, la diversité actuelle des associations, avec des subdivisions provinciales, est souvent source de confusion, même parmi les professionnels. Ne serait-il pas préférable d’opter pour une association neutre, faîtière flamande et wallonne? Cela vous permet de rester bien informé sur toutes les régions de Belgique et de vous renforcer en concertation avec les décideurs politiques et autres. La phytolicence en est un bon exemple: elle est aujourd’hui délivrée partout. Pourquoi cela ne se fait-il pas par le biais d’une seule organisation, avec une plateforme flamande-wallonne où tout se rassemble de manière claire? Une telle approche aiderait énormément le secteur.’
La sécurité de travail
Jeamie: ‘Le secteur du jardinage n’est pas un métier aux horaires bien définis. Il s’agit d’un travail physiquement exigeant où les heures supplémentaires sont souvent à peine rémunérées et qui arrêtent les gens. Les jeunes optent de moins en moins pour le secteur, ce qui est clairement visible dans les écoles d’horticulture. Quelles perspectives d’avenir leur offrons-nous encore? La suppression et la réintroduction des flexi-jobs pour les entrepreneurs de jardinage n’ont pas facilité les choses. Pendant les périodes de pointe, il est difficile de trouver de l’aide supplémentaire. Les personnes qui veulent travailler doivent souvent faire face à des règles qui jouent contre elles, tandis que d’autres sont récompensées pour ne rien faire. Les travailleurs étrangers qui souhaitent contribuer se heurtent également à un système qui ne leur donne pratiquement aucune opportunité. Le résultat? Un secteur qui est aux prises avec une pénurie aiguë de main-d’œuvre motivée.’
Les flexi-jobs en 2025 pour notre secteur
Après une période d’incertitude, les flexi-jobs sont à nouveau autorisés dans le secteur de l’aménagement paysager depuis mars 2024. L’abolition temporaire au début de l’année 2024 a causé beaucoup de confusion, mais après consultation, le système a été réintroduit dans des conditions adaptées. Les entrepreneurs de jardin sont donc à nouveau autorisés à faire appel à du personnel flexible, à condition que les règles légales soient respectées (comme un emploi principal valide du flexi-jobber et une déclaration Dimona correcte). Attention: les cotisations de sécurité sociale ont légèrement augmenté et les abus sont contrôlés.
Un filet de sécurité en période difficile
Jeamie: ‘L’entrepreneuriat est un travail difficile, mais dans les moments difficiles, le filet de sécurité du gouvernement est souvent trop faible. Le soutien n’arrive qu’au bout de plusieurs semaines, alors qu’entre-temps, vous êtes sans revenu. Beaucoup de choses ont été organisées pour le personnel, mais en tant qu’employeur, vous êtes souvent livré à vous-même. Cela a un effet démotivant. Pourtant, je fais ce travail tous les jours avec passion. La créativité fait toute la différence. Mais les permis restent un vrai casse-tête pour ceux qui veulent le faire correctement. Une erreur, et la responsabilité en incombe entièrement.’
Jeamie estime que des changements structurels sont nécessaires, en particulier au niveau européen. Non seulement pour les concepteurs et les entrepreneurs, mais aussi pour les fournisseurs et les revendeurs de machines. Tout commence par les bureaux de l’environnement. En travaillant mieux ensemble et en partageant nos connaissances, nous nous renforçons mutuellement. Car tant que nous restons chacun sur notre île, nous manquons des opportunités que nous aurions pu saisir. ensemble.
Le secteur évolue
Jeamie: ‘En ce qui concerne la législation et les permis, il va falloir prendre les devants pendant un moment. Notre liberté créative est de plus en plus limitée par des règles imposées. Lorsque ces règles au niveau flamand et au niveau communal sont constamment différentes, tout cela devient complexe et flou.’
Jeamie note également qu’un jardin doit évoluer avec les besoins des gens. Nous préférons vivre à l’extérieur parce que c’est là que nous trouvons la paix et l’inspiration. Il a souvent l’impression que la créativité est punie. Il fait référence à nos voisins du nord qui l’abordent avec des pourcentages par rapport à la superficie de la parcelle au lieu de dix permis différents par partie de votre jardin. Il n’est pas réaliste qu’un étang de baignade avec un biotope naturel soit considérée comme un empierrement et qu’une pelouse tondue en permanence soit une bonne idée. Il plaide en faveur du respect des règles de la nature, sous le signe de la simplicité.’
Jeamie: ‘‘Nous avons besoin de clarté et, sans aucun doute, tôt ou tard, il doit y avoir un point de non-retour. C’est un peu comme aménager un jardin: cela commence par de la saleté et du vide, mais finalement on crée quelque chose de beau. Sans oublier que le secteur horticole est un pilier solide de l’économie belge; des machines aux plantes. Avec notre travail, nous avons un impact majeur sur la société et sur la santé mentale.’
Les tendances dans le secteur
Jeamie: ‘Pendant longtemps, le polybeton a été très tendance, malgré la mise en place du stop au béton. Personnellement, je préfère les matériaux chauds et naturels. Ce faisant, nous oublions parfois que nous avons beaucoup de matériaux beaux et naturels tant en Belgique que dans d’autres pays européens. Vous les voyez apparaître de plus en plus ces derniers temps. Le flair naturel et les matériaux qui donnent de la chaleur et du caractère, c’est mon truc. Actuellement, nous constatons que les gens optent de plus en plus pour des tons beiges et chauds, combinés à beaucoup de couleurs. Tout le monde peut utiliser une touche de couleur, ce qui n’était guère possible il y a des années pendant la période grise.’ ‘La biodiversité dans les plantes fait également l’objet de plus en plus d’attention. Un jardin doit être vivant et doit aussi être un peu plus naturel, comme un bouquet sauvage dans un vase où l’on découvre à chaque fois quelque chose de nouveau. Ce que j’aime aussi montrer à mes clients, c’est que plus de couleur dans le jardin ne signifie pas nécessairement plus d’entretien. Depuis plusieurs années, je participe en tant qu’architecte de jardin aux journées portes ouvertes des guildes rurales. Il s’agit d’une initiative créative et chaleureuse qui permet aux habitants de toute la Flandre de visiter différents jardins. Une initiative très cool à laquelle nous continuerons à participer avec grand plaisir.’